Les implications physiques du cyclisme
Faire du vélo, au sens authentique du terme, implique de devoir pousser son corps à l’effort pour grimper les pentes avant de tester sa maîtrise et son contrôle en dévalant les descentes. Cela sollicite l’ensemble du système physiologique du cycliste, tant sur le plan cardiovasculaire que musculaire. La performance musculaire peut d’ailleurs jouer un rôle déterminant dans le choix des circuits empruntés, en fonction des aptitudes individuelles de chaque cycliste.
Comprendre l’enduro
Décrire l’activité
Avant d’aborder des techniques d’entraînement spécifiques, il est crucial de comprendre clairement en quoi consiste l’enduro afin de mieux appréhender les exigences physiques de cette discipline.
L’enduro, tel que nous l’entendons ici, consiste en deux journées complètes de vélo, entrecoupées de 5 à 8 spéciales chronométrées de 2 à 8 minutes sur des circuits diversifiés. Les étapes intermédiaires sont effectuées à la force des pédales, avec un dénivelé positif cumulé de 1000 à 1500 mètres sur l’ensemble du week-end.
Quelques statistiques
Peu d’études ont été consacrées à la préparation physique en enduro. Néanmoins, à partir des rares données disponibles et de mon expérience personnelle en tant que coach, il apparaît clairement que le profil d’un enduriste doit être assez complet sur le plan cardiovasculaire. Environ 60% du temps est passé à une intensité faible à modérée (pour les liaisons et l’échauffement), 10% du temps est consacré à une intensité moyenne à forte (au début des spéciales ou pendant les parties plus relaxantes), et 30% du temps est passé à fond la caisse, ce qui correspond approximativement au temps des spéciales.
Au niveau musculaire, il est difficile de quantifier précisément les exigences. On peut néanmoins estimer qu’elles sont presque identiques à celles du downhill (DH). On constate une grande quantité de contractions musculaires isométriques (gainage, maintien d’une position relativement statique des cuisses et des bras…) et de mouvements plus ou moins explosifs pour réaliser des bunny ups ou pour relancer avec force en sortie de virage.
Exigences de l’activité (E, SB, SH, PMA, résistance, explosivité, puissance)
En transformant ces besoins identifiés en domaines physiologiques à développer, on obtient une liste des points à travailler.
Endurance de base
L’endurance de base représente une part majeure du pôle cardio dans l’activité spécifique. Comme nous l’avons dit, l’endurance de base se situe à une intensité faible à modérée. Pour donner une idée, cela correspond à un rythme que l’on pourrait maintenir pendant plusieurs heures, où une conversation simple et concise serait possible. Il est d’ailleurs généralement recommandé de commencer par des séances longues d’une durée supérieure à 1h30.
En plus de répondre aux besoins spécifiques de l’activité, une endurance de base bien développée permet une meilleure récupération d’un entraînement à l’autre, d’une session de ride à une autre, d’une spéciale à une autre. On comprend donc mieux pourquoi cela représente la base de toute préparation physique.
Pour donner encore plus de repères à cette zone d’entraînement, notre cycliste doit connaître (au moins théoriquement) sa fréquence cardiaque minimale et maximale. Pour déterminer la fréquence de repos, il suffit de prendre son pouls le matin au réveil. Pour la fréquence maximale, il existe différentes formules qui permettent de l’estimer plus ou moins précisément. J’aime bien la suivante, qui prend en compte le facteur âge dans l’estimation : 206,9 – 0,67 x âge. Soit une fréquence cardiaque maximale théorique de 185 bpm pour Jean Michel. Au repos, compte tenu de son activité physique assez régulière, on définit une valeur arbitraire de 55 bpm.
Bien sûr, rien ne remplace un test d’effort, qui donnera des valeurs encore plus précises.
Voici quelques autres données qui vont nous aider à affiner les zones de travail :
La Fréquence de Réserve (FR) = Fréquence cardiaque MAX – Fréquence de repos, soit 185-55 = 130 pour JM.
Zones de fréquences cardiaques endurance = (50% FR + F repos) jusqu’à (80% FR + F repos), soit 120 -> 159 bpm pour JM.
Concept de seuil
Il y a deux types de seuils, le bas et le haut, ou résistance douce et résistance dure. Le premier correspond à l’intensité à laquelle la fréquence respiratoire augmente significativement, soit une intensité moyenne. En termes de sensations, c’est le rythme que l’on adopte plus ou moins naturellement lors d’une liaison à la pédale, ou d’un jogging : il est encore possible de parler en phrases courtes et réponses brèves. On est théoriquement capable de maintenir cette intensité pendant une longue durée, de 45 min à 1 heure avec un peu d’entraînement, et l’intérêt de cette zone d’entraînement est de développer l’endurance de base, tout en commençant à travailler l’intensité à un niveau léger.
Le Seuil Haut est une autre histoire : si on garde l’exemple de la remontée à la pédale, c’est l’intensité à laquelle on se donne presque à fond pour battre le meilleur temps de montée. Le rythme cardiaque est beaucoup plus élevé, tout comme la fréquence respiratoire, et on transpire beaucoup. Théoriquement, Jean Michel doit être capable de maintenir ce rythme pendant 6-7 minutes, voire 10 minutes s’il est vraiment en forme. Le corps n’est plus capable d’éliminer en direct l’acide lactique produit, c’est le début de l’inconfort musculaire. Cette zone permet de développer la capacité du corps à recycler ces toxines plus efficacement pour durer plus longtemps, on commence également à développer le rendement moteur (VO2 max).
Zones de Fréquences Seuil Haut à Seuil Bas = (80% FR + F repos) à (90% FR + F repos), soit 159 -> 172 bpm pour JM.
Puissance maximale aérobie
C’est le travail d’intensité élevée par excellence. On parle de rendement moteur (VO2max), que l’on travaille par des efforts maximaux en intervalles de 10 secondes à deux minutes environ, pendant lesquels on cherche à appuyer le plus fort possible sur les pédales. Le temps de récupération entre ces répétitions est de la même durée que le temps d’effort, et ce pour rester dans une zone d’intensité élevée tout en récupérant un peu avant la prochaine répétition.
Comme nous l’avons vu plus haut, cela correspond au rythme de la spéciale en mode chronomètre. L’enduro étant une discipline soumise à de nombreux changements de rythme, le travail de la PMA permet également de récupérer plus rapidement d’un changement de rythme à un autre.
Zones de Fréquences PMA = (90% FR + F repos) à (100% FR + F repos), soit 172 -> 185 bpm pour JM.
Gainage
Par gainage, on entend la capacité du cycliste à rester tonique et bien positionné sous les contraintes induites par le pilotage (compressions, appuis, réceptions de sauts…), malgré la fatigue. C’est de la résistance musculaire en somme, et il est évident que c’est un facteur important dans notre activité : le pilote ne doit pas « s’effondrer » à chaque mouvement de terrain et sous l’effet de la fatigue, s’il veut garder la maîtrise de son vélo.
Puissance musculaire et explosivité
La puissance est la somme de la force par la vitesse. Concrètement, c’est la capacité du pilote à effectuer un ou plusieurs mouvements avec le maximum d’énergie : relance en sortie de virage, raidillon technique, pompages efficaces… On est sur des durées de mouvements assez courtes mais où la force joue un rôle important, et où la précision de l’application de ce mouvement conditionne son efficacité (timing et donc technique).
Outre cet aspect purement énergétique rapide, une puissance musculaire supérieure permet également d’avoir un pédalage plus efficace. À poids de corps égal, il est évidemment avantageux d’avoir une puissance musculaire plus élevée : la force délivrée par les jambes à chaque coup de pédale permettra d’avoir un niveau de PMA plus élevé.
L’explosivité est l’équivalent de la puissance, (ultra) contrainte par le temps : c’est la capacité à délivrer le mouvement le plus puissant possible dans le temps le plus court possible. Il y aura donc forcément moins de force appliquée à ce type de mouvements et leur durée sera inférieure à 5-6 secondes. C’est là où le facteur nerveux est prépondérant et peut faire des différences sur des spéciales entières : les bunny up et autres impulsions calées aux bons moments, favorisent la prise de vitesse et limitent le gaspillage d’énergie qui coûte tant à la fin du parcours.
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